Voyage 2/3 : Faire avec le rhum et les bouchons

Guadeloupe, 8 mars 2024.

Jeudi 4h35. Sur la terrasse de Kokocabana, j’entends des chants d’oiseaux inconnus, des rythmes réguliers des grillons, au loin le son profond des vagues. Ce matin le vent va et vient dans notre maison de bois et fait danser les feuilles des grands palmiers du voisin. Aucun chat pour me saluer, ce sera donc les éléments et moi puisque de toute la colloc’ je suis la seule à être restée sur le fuseau horaire métropolitain. La nature est incroyable en Guadeloupe, il y a des arbres à la peau douce qui pèlent rouge, d’autres qui s’appellent « fromager », il y a de la mangrove, des plantes violettes, il y a bien sûr des poissons éclatants et tout un tas d’animaux qui se faufilent dans les branches sans que tu ne puisses les voir. Il y a beaucoup de bleu, beaucoup de vert.

Pour le moment sur la terrasse la nuit est pleine, peu de couleurs visibles, l’obscurité me laisse donc le temps d’écrire ici mes folies d’hier avec Cindy.

Nous sommes parties de l’autre côté de l’île, sur l’autre aile du papillon, du côté de Ste Rose, Deshaies et le jardin botanique et au début sans GPS. Alors affirmer sa liberté c’est bien, se défaire des outils numériques, c’est important, mais parfois il faut se rendre à l’évidence, même si conduire sur ces routes sinueuses est devenu un mégakiff, quand certains panneaux sont effacés, il vaut mieux brancher le GPS. En plus je traînais une légère gueule de bois qui m’a faite partir tard (8h..) soit en pleine heure de pointe vers Les Abymes et Pointe à Pitre.

A la colloc’ Chantal -la grand-mère qui regarde Narcos-, Antho -le père qui a eu 19,5 à son mémoire de management- et Emmie et Romane -les ados qui vont à la chorale- ont fait place à Didier et Nathalie, couple de soixantenaire du Mans. Didier c’est le tonton parfait, il est gentil et aime la vie. Nathalie est solaire. Ils voyagent depuis 3 semaines, Nathalie est malade mais reste souriante, elle reprend ses classes mardi alors que Didier lui, est en retraite depuis 15 ans. Ils ont deux enfants, l’un en Australie, l’une fait les saisons. Ils trouvent ça génial que je prenne une année pour moi, d’ailleurs leur fille a tout plaqué après 5 ans d’études en compta et ils la soutiennent.

Enfin, Didier avait une bouteille de planteur à boire avant de prendre l’avion dimanche, ça nous laissait 4 jours mais elle a duré 2 heures. On a attaqué tous les 3 avant d’être rejoint par Maxime notre hôte, qui vit ici depuis 4 ans, et sa copine Pauline qui arrivait de Clermont-Ferrand, en année sabbatique. Ils sont jeunes et beaux, ils ont la belle vie, font du surf, et arrivent à se frayer un chemin pour vivre leurs rêves de paradis. C’est mignon. Maxime a même fait venir sa famille de métropole, il bosse un peu avec son père sur des chantiers.

La soirée était très sympa, Didier étant cheminot, on a évoqué entre autre des souvenirs en train, les heures bloquées en train ou à quai et les rencontres folles. Didier ne manquait pas de préciser les lignes de train, Pauline a rajouté le nom des arrêts sur la ligne Clermont-Paris.

Comme j’avais une oreille bouchée depuis le matin et que je ne les entendais qu’à moitié, j’ai fait un arrêt sur le rhum (trop frais et trop traître) et je suis allée me coucher.

Des imprévus en voyage c’est toujours un peu embêtant. On attend le voyage depuis un moment, on se fout une petite pression à ce qu’il soit parfait et là BIM un imprévu vient modifier le plan ! C’est un peu comme être bloqué dans un train finalement, indépendamment de notre volonté.

Dans ces cas deux options : râler « putain font chier ces gens qui oublient leurs valises» « JPP de ce bouchon (de ces pluies historiques au Sri Lanka, de cette conjonctivite en Équateur..)»… ou faire avec.

« Faire avec » semble être la bonne voie même si ce n’est pas l’option la plus facile. Dans ces cas là tu fais comme tu peux, tu continues d’avancer ou tu vas te coucher, tu branches le GPS si besoin, tu compares la situation « à l’échelle de l’univers » et tu relativises !

Enfin j’avais beau me dire que 24 heures partiellement sourde c’était toujours un bout d’ouïe restante sauf qu’au retour de ma virée botanique, mon enceinte bluetooth n’ayant plus de batterie, je n‘ai rien entendu des consignes du GPS. J’ai alors loupé la bretelle « voie verte » et suis repartie pour un détour sur une route bondée et BIM 1/2h de bouchon en plus (décidément..).

A ce moment précis, plus rien à faire de l’univers, j’ai carrément envie de dire que cette oreille bouchée c’est carrément agaçant !

Donc un peu plus tard à St Anne, je cherche des panneaux docteurs, je vois cabinet médical, cligno spontain, instinct de survie activé, je tourne. Là truc de dingue et pas de dengue qu’a choppé la pauvre Nathalie, la docteure me trouve un créneau après deux patientes et me libère de mon sort. Le bouchon -impressionnant by the way- n’a rien abîmé, le tympan est OK ouf, oui je pourrai me re-baigner, et oui je pourrai re-écouter de la musique avec mes écouteurs. Merci docteure, you are the best !

Pour célébrer le fait que je sois enfin libérée et délivrée, je me rends chez Youyoute pour goûter une autre saveur des glaces, je longe la plage en admirant les couleurs, en écoutant les enfants qui jouent et je pars sur une autre plage attraper du regard un coucher de soleil.

Le soir je passe sur le rhum proposé par Maxime mais reste un bout avec mes collocs. J’ai ramené l’adresse du docteur à Nath qui tient bon entre fatigue et rire et je me couche tôt car bon…point trop n’en faut !

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