Archive for the Escritura / Ecriture Category

Voyage 3/3 : « Partir c’est mourir un peu » ?

Posted in Escritura / Ecriture on abril 15, 2024 by marie

Guadeloupe, 11 mars

Voilà la dernière phrase que Didier m’a dite au moment de se dire au revoir. Ils sont partis hier et c’est mon tour aujourd’hui. Samedi soir on a fêté nos départs à moins que ce soient nos rencontres. Didier avait racheté du rhum et ce fut une soirée assez exceptionnelle : la révolte des cheminots, la mort du rock, le avant, les punchlines de Didier gribouillés dans mon carnet, les casques connectés, la société de surveillance, nos voyages bien sûr et les vraies raisons de la mort de Cloclo.

Les quelques gens présents étaient on fire, après quelques verres, Maxime et sa belle-mère Marie-Pierre (une soixantenaire ayant elle aussi vécu les mêmes combats que Didier) en l’absence de Pauline partie se coucher, vivaient un vrai moment de belle-mère/gendre. Nathalie et moi on observait entre deux anecdotes de Didier, conscientes que se jouait l’avertissement initial de toute relation qui se joue à une échelle géographique grande.

Nathalie elle voit tout derrière son apparente discrétion, elle est un volcan en effusion. Elle fait partie de ces personnes qui ne brillent pas frontalement façon Didier. Nath elle a cette lumière des gens plus réservés, de ceux qui parlent moins mais qui observent deux fois plus, de ceux qu’il faut s’approcher en douceur pour qu’ils nous inondent de leur lumière. J’aime bien ces âmes mystérieuses, elles sont subtilement sensibles. D’ailleurs je n’ai pas manqué de lui dire à Nath et de leur dire quel duo de choc ils formaient tous les deux. Tellement de love dans cette soirée composée de baroudeurs et baroudeuses qui peut-être ne se reverront jamais.

Enfin, après quelques débats passionnés, j’ai réussi à faire danser les filles sur la piste en bois de notre terrasse, Marie-Pierre un pétard à la main me dit « Mais qu’est ce que je fais à mon âge ? c’est pas sérieux… », ce à quoi je répondis sur les rythmes de Tainted love, « tu vis meuf ! »…( « Meuf »… LOL ).

On a fini par chanter “ceux qui vivent là ont perdu la clé…” tous ensembles et c’était beau. Parfait cliché des métros (politains) rechargés à bloc par la chaleur et le bonheur de la vie insulaire.

Donc “partir c’est mourir un peu” ?

Je suis allée chercher la référence de Didier qui lui vient d’un poète du XIXème, Edmond Haraucourt, reprise dans une chanson de André Baugé.

Cette phrase me rend perplexe.

Je repense à des conversations passionnantes à Beauvais ou en Bretagne sur la disparition de l’humanité, entendre que « à l’échelle du cosmos » notre mort ce n’est rien si ce n’est qu’un possible terreau d’une autre forme de vie et ainsi de suite…le cycle et l’histoire de la vie…Pour qu’il y ait vie, il faut qu’il y ait mort. Hakuna matata.

Donc pour qu’il y ait « vie » il faut bien que des « un peu » disparaissent pour faire de la place aux “un peu” nouveaux.

Tu fais mourir ton agenda, tu fais vivre les routes sinueuses, tu fais mourir le froid, tu fais vivre la chaleur qui te colle à la peau…Un savant équilibre des « un peu » pour se sentir vivant.

Pour mon dernier jour je roule beaucoup, je regarde partout, j’appelle le soleil pour qu’il me brûle la peau une dernière fois, j’absorbe ce que je peux du monde. Je croise de nombreuses familles réunies sur des bancs, ou des terrasses. C’est dimanche, le temps est suspendu, les gens profitent.

Je me demande si pour moi partir ailleurs c’est ici, quand le « ailleurs » semble être un paradis alors où partons nous « un peu » ?

Est-ce que l’ailleurs est forcément un quelque part ?

Et si l’ailleurs était plutôt un concept, un voyage, une passion, une chanson… une forme où chacun s’évade “un peu” à sa façon?

Pour moi l’ailleurs c’est plus un appel du grand large, vital et inspirant, y répondre c’est « Partir un peu pour ne pas mourir».

Voyage 2/3 : Faire avec le rhum et les bouchons

Posted in Escritura / Ecriture on abril 15, 2024 by marie

Guadeloupe, 8 mars 2024.

Jeudi 4h35. Sur la terrasse de Kokocabana, j’entends des chants d’oiseaux inconnus, des rythmes réguliers des grillons, au loin le son profond des vagues. Ce matin le vent va et vient dans notre maison de bois et fait danser les feuilles des grands palmiers du voisin. Aucun chat pour me saluer, ce sera donc les éléments et moi puisque de toute la colloc’ je suis la seule à être restée sur le fuseau horaire métropolitain. La nature est incroyable en Guadeloupe, il y a des arbres à la peau douce qui pèlent rouge, d’autres qui s’appellent « fromager », il y a de la mangrove, des plantes violettes, il y a bien sûr des poissons éclatants et tout un tas d’animaux qui se faufilent dans les branches sans que tu ne puisses les voir. Il y a beaucoup de bleu, beaucoup de vert.

Pour le moment sur la terrasse la nuit est pleine, peu de couleurs visibles, l’obscurité me laisse donc le temps d’écrire ici mes folies d’hier avec Cindy.

Nous sommes parties de l’autre côté de l’île, sur l’autre aile du papillon, du côté de Ste Rose, Deshaies et le jardin botanique et au début sans GPS. Alors affirmer sa liberté c’est bien, se défaire des outils numériques, c’est important, mais parfois il faut se rendre à l’évidence, même si conduire sur ces routes sinueuses est devenu un mégakiff, quand certains panneaux sont effacés, il vaut mieux brancher le GPS. En plus je traînais une légère gueule de bois qui m’a faite partir tard (8h..) soit en pleine heure de pointe vers Les Abymes et Pointe à Pitre.

A la colloc’ Chantal -la grand-mère qui regarde Narcos-, Antho -le père qui a eu 19,5 à son mémoire de management- et Emmie et Romane -les ados qui vont à la chorale- ont fait place à Didier et Nathalie, couple de soixantenaire du Mans. Didier c’est le tonton parfait, il est gentil et aime la vie. Nathalie est solaire. Ils voyagent depuis 3 semaines, Nathalie est malade mais reste souriante, elle reprend ses classes mardi alors que Didier lui, est en retraite depuis 15 ans. Ils ont deux enfants, l’un en Australie, l’une fait les saisons. Ils trouvent ça génial que je prenne une année pour moi, d’ailleurs leur fille a tout plaqué après 5 ans d’études en compta et ils la soutiennent.

Enfin, Didier avait une bouteille de planteur à boire avant de prendre l’avion dimanche, ça nous laissait 4 jours mais elle a duré 2 heures. On a attaqué tous les 3 avant d’être rejoint par Maxime notre hôte, qui vit ici depuis 4 ans, et sa copine Pauline qui arrivait de Clermont-Ferrand, en année sabbatique. Ils sont jeunes et beaux, ils ont la belle vie, font du surf, et arrivent à se frayer un chemin pour vivre leurs rêves de paradis. C’est mignon. Maxime a même fait venir sa famille de métropole, il bosse un peu avec son père sur des chantiers.

La soirée était très sympa, Didier étant cheminot, on a évoqué entre autre des souvenirs en train, les heures bloquées en train ou à quai et les rencontres folles. Didier ne manquait pas de préciser les lignes de train, Pauline a rajouté le nom des arrêts sur la ligne Clermont-Paris.

Comme j’avais une oreille bouchée depuis le matin et que je ne les entendais qu’à moitié, j’ai fait un arrêt sur le rhum (trop frais et trop traître) et je suis allée me coucher.

Des imprévus en voyage c’est toujours un peu embêtant. On attend le voyage depuis un moment, on se fout une petite pression à ce qu’il soit parfait et là BIM un imprévu vient modifier le plan ! C’est un peu comme être bloqué dans un train finalement, indépendamment de notre volonté.

Dans ces cas deux options : râler « putain font chier ces gens qui oublient leurs valises» « JPP de ce bouchon (de ces pluies historiques au Sri Lanka, de cette conjonctivite en Équateur..)»… ou faire avec.

« Faire avec » semble être la bonne voie même si ce n’est pas l’option la plus facile. Dans ces cas là tu fais comme tu peux, tu continues d’avancer ou tu vas te coucher, tu branches le GPS si besoin, tu compares la situation « à l’échelle de l’univers » et tu relativises !

Enfin j’avais beau me dire que 24 heures partiellement sourde c’était toujours un bout d’ouïe restante sauf qu’au retour de ma virée botanique, mon enceinte bluetooth n’ayant plus de batterie, je n‘ai rien entendu des consignes du GPS. J’ai alors loupé la bretelle « voie verte » et suis repartie pour un détour sur une route bondée et BIM 1/2h de bouchon en plus (décidément..).

A ce moment précis, plus rien à faire de l’univers, j’ai carrément envie de dire que cette oreille bouchée c’est carrément agaçant !

Donc un peu plus tard à St Anne, je cherche des panneaux docteurs, je vois cabinet médical, cligno spontain, instinct de survie activé, je tourne. Là truc de dingue et pas de dengue qu’a choppé la pauvre Nathalie, la docteure me trouve un créneau après deux patientes et me libère de mon sort. Le bouchon -impressionnant by the way- n’a rien abîmé, le tympan est OK ouf, oui je pourrai me re-baigner, et oui je pourrai re-écouter de la musique avec mes écouteurs. Merci docteure, you are the best !

Pour célébrer le fait que je sois enfin libérée et délivrée, je me rends chez Youyoute pour goûter une autre saveur des glaces, je longe la plage en admirant les couleurs, en écoutant les enfants qui jouent et je pars sur une autre plage attraper du regard un coucher de soleil.

Le soir je passe sur le rhum proposé par Maxime mais reste un bout avec mes collocs. J’ai ramené l’adresse du docteur à Nath qui tient bon entre fatigue et rire et je me couche tôt car bon…point trop n’en faut !

Voyage 1/3 : Cindy le temps et moi

Posted in Escritura / Ecriture on abril 15, 2024 by marie

Guadeloupe le 5 mars 2024

Ce matin comme à mon accoutumé -depuis 2 jours- je me réveille à 4h30, en Guadeloupe. 1/2h pour m’interroger sur le fait de me lever ou pas, 1/2h de café et préparation, ½ h pour le sac et le trajet pour me rendre à la pointe des châteaux. Hier j’y ai vu un si beau lever de soleil, j’avais envie d’y retourner. Donc aujourd’hui je charge les batteries pour filmer, j’ai de stylos et le k-way. J’arrive et là tombe une grosse averse. La pluie me fouette le visage, c’est surprenant, vivifiant et beau. Impossible de filmer, j’écoute de la musique et aire sur les routes dans ma voiture de location que j’ai prénommé Cindy. Cindy est bleue, petite, je fais encore un peu ronfler son embrayage et comme c’est ma première voiture de loc’ en voyage, j’étais obligée de la personnifier. Au bout de plein de chansons géniales, l’averse est passée, je filme la mer, un pêcheur, des bateaux et les vagues qui brillent. Puis Cindy m’embarque à St François, village agréable avec un port. C’est dimanche, c’est calme même si l’église est remplie. Je prends le temps de deux cafés. Enfin je ne “prends” pas le temps, c’est plutôt lui qui vient à ma rencontre. Très sérieusement il me dit “arrête de vouloir me contrôler bb et assis toi”. Ça tombe bien, je n’ai aucun plan pour une fois… en plus le temps il est trop sympa, passée l’angoisse de le voir trop ou de ne plus jamais le revoir, il est surprenant. Je vais ensuite face à la mer et la regarde longtemps. Puis je me dis que ce serait bien d’aller voir le coucher de soleil quelque part. Je retourne à la gare maritime et là je trouve Cindy, miskina, bloquée entre deux voitures blanches. Je ne pourrai pas la sortir de là péchère… un peu embêtée, j’en parle à un monsieur qui prend mon “contretemps” à cœur et après fine analyse des faits me dit tout simplement de demander dans la gare. C’est vrai qu’après 2 jours de chemin en solitaire, je n’avais pas vraiment penser à cette option. Je me lance vers eux -les gens- et je cherche “elle est à vous la voiture blanche?”. Non…non … je continue et repère un vendeur de sorbet coco. Comme on est garé sur la voie des bus et que demain c’est lundi, je me dis qu’au pire du pire, je pourrai libérer Cindy avec le retour des bus, ce qui en soit me laisse 17 heures pour goûter un sorbet coco. Le monsieur gentil toujours à l’affût, confirme son hypothèse avec un autre monsieur : la voiture blanche (de loc elle aussi) doit appartenir à quelqu’un qui est allé sur l’île La Désirade et qui rentrera avec le prochain bateau peut-être dans une heure…Pas de soucis je vais goûter le sorbet. Là, je peux enfin regarder les gens, les deux copines de 12 ans qui me sourient, les copains qui discutent tranquilles, écouter la série télé diffusée dans la salle à l’arrière. Pour la glace, il faut patienter qu’elle se fasse, pas de soucis. Une fois prête, le vendeur de glaces veut me faire passer avant les hommes qui sont arrivés avant moi, j’annonce (fièrement) que “j’ai le temps”, la galanterie peut aller voir la mer, j’attends mon tour, relax. La glace est une tuerie au goût de liberté… Le vendeur me demande si j’aime, je lui réponds et rajoute que c’est ma première. Il me dit qu’il faut que j’aille en goûter plein pour me faire un avis. Je m’abstiens de le prévenir que je n’ai aucun plan (même si c’est un donnée nouvelle pour moi) et ne peut donc garantir où et surtout quand j’en mangerai… à ce moment je calcule que les gens avec qui j’ai échangé plus de 2 phrases aujourd’hui sont au moins 4 (lui, le monsieur gentil, la dame du café, la dame du musée) soit quasiment le double de mes interactions sociales d’hier, sans compter les bonjours en chemin, les klaxons sur les routes et les “elle est à vous la voiture blanche?” . A ce rythme de sociabilisation, j’imagine que je devrais organiser une fête de départ dans 9 jours !

Au fond du local, une horloge est bloquée à 17h45 alors qu’il doit être entre 16h et 17h depuis une heure. Je regarde, j’écoute, j’échange et je m’aperçois que Cindy n’est plus bloquée et visiblement moi non plus…Comme cette affaire a délié ma sociabilité, en laissant ma place je prends soin de dire au conducteur suivant de ne pas trop s’avancer pour pas être bloqué…genre!

Bref je suis contente de retrouver Cindy, les routes et la musique ! Je met une chanson que j’ai shazamé hier au primeur et nous voilà Cindy, le temps et moi écoutant du zouk dans les rues de St François… tout est fluide sans encombre, j’avance sans connaître la destination, c’est Cindy qui choisit !

Au bout de la mer

Posted in Escritura / Ecriture on febrero 21, 2024 by marie



Ça fait longtemps que je n’ai pas écrit. Trop de choses à écrire certainement. Trop de vagues à affronter, plus trop le temps de voir ce qui se passe sur la plage… Ces deux dernières années c’était maintenir le cap et que le bateau ne prenne pas trop l’eau.

Et d’un coup d’un seul bim je ne vais pas tarder à avoir 39 ans. Bon c’est la vie et je m’en fou de vieillir en vrai, j’ai toujours pensé que j’étais une éternelle enfant. Grâce à mes nièces et à ma belle-fille j’ai eu la chance de re-vivre à plusieurs moments mes 8, mes 12, mes 14 ans.

Ce soir ma nièce Zoé se souvenait qu’on avait piqueniqué sur un pont de sa ville natale quand elle était petite « c’était fou quand même, on mangeait sur le pont tatie !». Ouais, on mangeait sur le pont car c’était l’Aventure, on mangeait sur le pont pour mieux voir l’eau, car on en avait envie, on se foutait de tout, on sortait avec la trottinette, on filmait, un rayon de soleil et on était contente. C’était beau de les embarquer dans mes délires, elles me suivaient, elles poursuivaient, je les suivais, la fusée, le Club…

Maintenant elles sont grandes, elles étudient. Parfois j’aimerais qu’elles me disent « viens tatie on va manger sur le pont » mais il n’y a pas de pont ici et pour l’instant elles sont trop occupées à essayer de grandir alors je fais comme elles, j’étudie.

Apprendre des trucs, enfant de l’univers, c’est la vie ! On connait si peu de choses… apprendre c’est puissant, ça vient faire tomber les certitudes, ça nettoie la tête, ça réchauffe le cœur.

Enfin, on a beau savoir plus de choses, on a beau ne plus manger sur les ponts, être adulte c’est finalement autant d’hésitations et de peurs que l’enfance. Juste qu’on a l’air un peu plus assuré qu’avant mais au fond…on trace des chemins qui suivent nos envies mais on ne contrôle jamais rien. Un jour dans ton salon, les mots « retraite », « PMA » et « hémorroïdes » sont balancés et c’est foutu…la jeunesse nous a roulé dessus, on ne sait même pas ce qui s’est passé. C’est comme ça.

Récemment mon frère m’a parlé de la chanson « Ma jeunesse s’enfuit » de Yves Simon, il était dans un aéroport il kiffait mais moi j’ai trouvé ça très déprimant.
« Ma jeunesse s’enfuit,
Et la vie aussi.
Tout au bout de la mer,
L’autoroute s’est fermée ».


Pourtant Yves Simon je l’aime bien, j’ai vibré petite avec la jeune Anne dans « Diabolo menthe », on avait le film en VHS.
Mais penser qu’au bout de la mer, l’autoroute s’est fermée … DUR !!
J’ai pas envie Yves.
Au bout de la mer on se noie car on est épuisé, au bout de la mer, une autre île, au bout de la mer, la mer… mais l’autoroute fermée ? Quelle violence Yves !

Du coup on fait quoi ? on n’est plus jeune alors la vie n’est plus ?

Certes cette jeunesse on voudrait parfois la garder, la troquer, l’épouser. A la maison quand ma belle-fille me met le refrain « un jour j’irai à Tahiti c’est là que je vivrais ma meilleure vie » du grand Keen V, moi je suis totalement d’accord avec cette conception… je chante à fond avec elle, c’est vrai, ça doit être sympa Tahiti ! Mais bon la jeunesse c’est une énergie. Il y a plein de jeunes beaucoup plus chiants que des soixantenaires… de là à pleurer Keen V, no way ! Je ne trouve pas que la fin de la jeunesse se soit la fin de tout.

Pas du tout.

On croit que c’est la fin alors que c’est juste d’autres débuts.

Et un jour moi j’irai manger sur un pont c’est là que je vivrai ma meilleure vie…en attendant j’ai de quoi manger dans mon frigo alors je reste au chaud.

Karaoké pour mon master

Posted in Escritura / Ecriture on julio 3, 2022 by marie

C’est vendredi 10 juin, je suis à Sète, cela faisait longtemps. Mon père a mis le champagne au frais, car ce soir nous fêtons mon master.

23h- il me dit « on va faire un tour en ville ? ». J’ai un peu la flemme, mais à Sète on est entouré d’eau il y a forcément des beaux reflets à regarder. Rapidement mon père dévoile son plan secret : aller au CONCEPT BAR, un nouveau bar avec karaoké où il n’avait pas encore osé aller.

On entre : 2 jeunes filles, 1 femme seule (leur mère ?), le serveur, quelques personnes en terrasse. La déco est assez sommaire mais il y a l’envie. Pas de catalogue de chansons, un QR code, des bouts de papier. On hésite pour un Perrier puis ce sera Mojito.

On commence avec une chanson, on n’est pas bon mais l’ambiance est bienveillante.

Assane qui est né 15 jours avant Michael Jackson fait des danses stylées, des pas de mimes, il fait semblant d’avoir un truc dans les mains, op op op, mon père fait semblant de le récupérer, ils sont plein de ressources ces retraités !

La femme seule c’est Céline, une belle brune, la quarantaine, venue faire un break seule loin de chez elle pour essayer d’échapper au burnout pro et perso qui la guette. Céline est habituée à chanter, ses choix sont bons, son futur ex-mari tient un bowling où le vendredi c’est karaoké.

Les deux copines Cassie et Emilie ont été rejointes par des garçons. Elles ont 17 ans, elles font des stories, et chantent super bien. La brune roule des pelles à son mec tant dis que la blonde, Cassie, chante Amy Winehouse. Jonathan, un petit frisé, se lance sur « dans la vallée oh ohhh de Dana… », je pense qu’il a le béguin pour Cassie. J’observe leur jeu toute la soirée. Lui c’est un peu mon chouchou, comme Cassie le snobe et qu’il n’a rien à perdre il nous fait « Technologic » de Daft Punk, il s’en sort pas mal. Je place IAM, « L’empire du côté obscur » je l’ai répeté tout l’été 2017. Céline nous a rejoint à notre table, elle choisit les plus belles d’Edith Piaf. Mon père et moi bataillons sur le duo Hallyday-Fabian, on le chantait il y a 25 ans on s’est un peu rouillé depuis.

De nouveaux arrivent, quelle ambiance.

Mon père depuis déjà une heure ou deux, reste debout, danse et se rapproche des chanteurs. Je le rouspète quand il pique un micro pour s’incruster sur des chansons. Cela fait sourire Céline, je lui dis que c’est parfois un peu gênant mais en même temps c’est très drôle de voir qu’à 72 ans il s’amuse encore comme s’il en avait 12.

Le patron est arrivé et a pris en main le karaoké. Pedro, le barman, était seul à faire cocktails et karaoké. Le patron revient de son resto en bord de plage. Il a un casque audio avec un micro intégré et ne rigole pas avec les titres. Céline, mon père et moi on se fait tour à tour rembarrés car nos chansons ne sont pas sur KARAFUN et que « il faut vérifier avant, ça évitera de faire perdre du temps ». Le mec se la joue franchement sérieux, il surkiffe le karaoké, il pousse la chansonnette, fait les cœurs et pour le final il a prévu un « medley » pour que tout le monde -enfin les 8 restants- chantent. Céline clôture, elle assure grave.

Il est 2h du mat, il faut rentrer maintenant.

Comme dans un endroit où tu t’es bien amusé, tu le dis 20 fois à tes nouveaux amis. Pedro nous demande de faire des commentaires et le patron enfin détendu, nous montre des photos de son resto et des gambas à la plancha. On se dit tous à demain, on raccompagne Céline, on échange nos 06.

En rentrant, on a enfin la bonne idée de boire de l’eau, c’est un peu tard pour ça maintenant mais bon !

5 jours après à Barcelone, je me fais testée positive, mon père sur Sète est aussi positif bien que sans symptômes, Céline n’a rien.

Un souvenir du Concept bar ?

On ne le sera jamais, par contre on se souviendra que pour fêter ce master, l’instant de 3 minutes et dans d’affreuses souffrances pour les quelques piliers de comptoirs, Johnny et Lara c’était nous papa !

« All I want for christmas is you »

Posted in Escritura / Ecriture on diciembre 11, 2020 by marie

Jeudi 10 décembre 22h

« Rester optimiste » sont les mots pour conclure l’assemblée générale.
Heureusement qu’il y avait cette AG pour m’éviter le discours de ce soir…ce long zoom qui m’a fait louper la sentence en live. Merci l’ACAP !
Je sentais l’angoisse monter ces deux derniers jours. Je me surprenais bien trop souvent à googler dans actualités : « déconfinement » à la recherche d’un indice. Puis ce matin c’est la boule au ventre, nous tentons de déconner avec les collègues pour repousser la crainte, puis vient le stress et l’énervement, je deviens désagréable…qu’est-ce qu’il va dire, mais qu’est-ce qu’il va dire bon sang ?
Le 15 je n’y crois plus… certains optimistes m’ont fait miroiter le 19 ? le 21 ? Est-ce qu’on pourra maintenir le ciné-débat avec David Dufresne le 20 ? Revoir le public au moins une fois ? Leur permettre d’échanger, de se voir, de s’émouvoir.

Incertitudes.
Du coup, cette aprem’ je ne finis pas ma prog’, il me manque un film à caller…tant pis j’attends, et à la place nous partons en case 2 : « achats de biens ».
Partir à Cultura, acheter un cadeau de noël créatif, se prendre la tête sur quoi / pour qui, réfléchir au budget… Puis m’entendre dire que franchement c’est ridicule de s’offrir des cadeaux cette année. Je préfèrerai que tout ce monde aille en salles découvrir des films, des pièces, des concerts plutôt que se retrouver là à galérer pour trouver une place pour se garer puis entrer dans un magasin bondé. Nous allons tenter de se faire plaisir avec des biens qui s’accumulent alors que là franchement le seul truc dont nous ayons vraiment besoin, c’est un peu d’espoir. Même pas des paillettes, ni des trucs chers hein, non juste des dates claires ou des périodes, pas de faux espoirs de ré ouverture mais un objectif cohérent, une réponse adaptée… une espèce de lueur pour nous sortir de ce surplace.
 
On aurait dû faire une cagnotte.
Franchement ça aurait été le truc le plus utile à faire. Mon copain est intermittent du spectacle, il essaie de vivre comme artiste, il programme des dates, c’est annulé, il calle des réunions puis redéplace des actions, des projets, toutes ces galères cette année le rongent, et ça me rend triste. Des comme lui, bourrés de talent qui ne demandent qu’à partager leur passion avec le public mais qui ne peuvent pas, j’en vois plein malheureusement. Qu’ils soient sur scène, en régie, derrière ou devant la caméra, autour ou à côté d’un écran pour partager savoirs, compétences, intelligence, et surtout pour transmettre des émotions, des découvertes… tous ces professionnels sont à l’arrêt. Beaucoup en arrivent à se demander en quoi se convertir vu que la culture n’a plus besoin d’eux, le monde n’a plus besoin d’eux. En tout cas… pas pour l’instant. Car les lieux de diffusion sont jugés trop dangereux, donc fermés, et sans lieux de diffusion, c’est tout une partie économique du processus de création qui s’écroule.

Par contre acheter, ça, ce n’est pas dangereux, c’est même un besoin essentiel. S’entasser dans des magasins, toucher les mêmes produits, pas de problèmes. Cultura & Co vont vous proposer une panoplies de possibilités pour se faire des cadeaux palliatifs, en attendant… en attendant quoi ? la prochaine ré-ouverture puis fermeture ?

Non je n’y crois pas au fond, c’est sûr, on ne va pas ré-ouvrir.
Ça tombe. 7 janvier minimum.
C’est donc mort pour le ciné-rencontre « Un pays qui se tient sage », pour la conférence sur Tim Burton, c’est plié pour l’incroyable  « Josep », pas de « Drunk » pour l’apéro, ni de « Wendy » en voyage, « La chouette » ne pourra pas venir attendrir les bambinos, et ni même les « Trolls », c’est réglé pour « Michel Ange ». Plus de déception de ne pas avoir eu « Adieu les cons » et « Petit fantôme », pas de belles séances scolaires pré noël Eloïse.

« Rester optimiste ».
Oui, c’est vrai, il le faut !
Bien sûr, les spectateurs reviendront et oui un jour ou l’autre, nous repogoterons, nous pleurerons devant un film, et nous en parlerons pendant des heures, nous nous embrasserons, nous ferons des bouffes à tout plein, nous n’aurons plus peur pour nos parents, nous bougerons, nous vibrerons, nous nous retrouverons au bergo, et puis évidemment nous allons beaucoup mais alors beaucoup danser.
Oui un jour ça passera, je sais.
En attendant, l’inquiétude quant au devenir de nombreux secteurs d’activités grandit. Je pense à tous ces indépendants et les autres secteurs pleinement touchés. Dans le secteur où j’évolue, je pense à toutes ces petites boites qui vont déposer le bilan (des prestataires en passant par les distributeurs, producteurs), ces cinémas qui vont fermer, ces artistes, techniciens et autoentrepreneurs qui vont se reconvertir, ces films qui auront demandé des années de travail et de sacrifice qui ne seront pas diffusé, ceux qui ne se feront pas, ces tournées qui ne feront vibrer personne, ces œuvres qui resteront invisibles. Et aussi toutes ces rencontres qui n’auront pas lieux, ces amitiés et coups de foudre qui ne naîtront pas, tous ces projets qui resteront dans des dossiers ou finiront en ligne…

Alors je suis en colère certes, mais je suis surtout inquiète pour la survie de tous ces collègues et de tous ces gestes créatifs qui ne trouveront pas leur public, en vrai en chair et en os.
Plus largement je m’inquiète des priorités qui sont données à nos vies, à nos valeurs.
La diffusion de la culture dans des lieux soumis à un protocole sanitaire adéquat n’est pas un lieu de transmission plus dangereux qu’un magasin où au final en ces périodes il y a 0 contrôle… Alors pourquoi nos lieux de diffusion culturelle sont considérés comme plus dangereux ? 
Nous avions joué le jeu depuis le début, s’adaptant sur tous les aspects pour protéger les spectateurs qui eux nous manifestaient un besoin vital de s’évader et de se retrouver et ce même à condition d’être assis loin des uns des autres et masqués.
Malgré ces tentatives, reste un gros sentiment d’incompréhension de nos réalités. Car au final nous sommes juste une variable d’ajustement politique, moins importante que la religion et la consommation de biens. Pour un pays laïque dont la spécificité culturelle a toujours été une fierté, ça sonne faux. Pour moi la culture c’est clairement un besoin vital car elle apporte ouverture et tolérance, elle donne du sens, elle allège l’existence, elle fait se sentir vivant.
Mon boulot c’était de transmettre dans une salle de cinéma tout type de culture, des gros films aux pépites indépendantes, moins médiatisées, et qui aujourd’hui très fragilisées, risquent pour certaines de disparaître. Les plus solides vont rester c’est sûr, mais la diversité va se réduire.
Et là, mine de rien, notre écran va se rétrécir petit à petit et notre connaissance du monde aussi. Donc oui en attendant, certains de ces biens culturels nous permettront de continuer de voyager un petit peu… Mais franchement, si on me demande ce que je veux pour noël, c’est simple, c’est allumer le vidéo-projecteur en régie et accueillir les spectateurs, nos spectateurs et les nouveaux.
Car s’il y a bien quelque chose qu’on ne trouvera jamais dans les magasins, c’est l’incroyable émotion du réel et du partage de l’art. Alors rien que pour cette émotion de dingue, ok, je veux bien « rester optimiste ».

J’irai fleurir vos tombes

Posted in Escritura / Ecriture on noviembre 11, 2020 by marie

Toussaint d’une année triste, transparente où chacun s’est inquiété, replié, confiné…deux fois ! Evènements reportés puis annulés, la culture extrêmement fragilisée, les indépendants en danger, un enseignant et des croyants assassinés.
Ce n’est pas vraiment la fête en ce moment, et pourtant il faut bien continuer.
Alors tant que j’ai pu, j’ai continué.
J’ai continué à prendre des trains, à regarder l’horizon; rentrer à la maison et danser seule dans mon salon.

Un train pour Sète, 4 jours où j’ai tout absorbé : le soleil, les bateaux, les histoires de mon père, les paysages dorés de l’arrière-pays, le ratafia maison… RDV manqué avec ma mère pour cause de confinement programmé, retour avancé, soit, j’ai quand même beaucoup de chance d’être là, l’autre mer juste au bout de la rue.

Mon père a voulu apporter des fleurs sur la tombe de ses parents, il fait ça chaque année, évidemment. Il m’a demandé si je voulais en prendre pour les parents de ma mère enterrés à quelques kilomètres des siens. Je n’ai pas trop su quoi répondre, j’ai demandé à ma mère, elle m’a dit oui, évidemment.

Cette tournée des morts fut l’occasion de parler d’eux, à vrai dire je ne savais pas grand-chose sur ses parents, partis avant que j’arrive. Alors il m’a raconté son père l’alsacien et sa mère de Colombières, la vie à 5 dans un deux pièces à Paris et l’enseigne Nicolas. Il s’est rappelé une dispute avec son père, une dispute vieille de 50 ans et avec regret il a dit « je n’aurais peut-être pas dû lui dire ça ».  Laisse couler papa, laisse couler…
Ses parents l’avaient laissé faire des études même s’il fallait acheter des livres, ce livre là c’était de l’argent. « Maman m’avait dit de le prendre si j’en avais besoin, mais j’avais bien senti que ça les mettait en difficulté ».
Ils étaient pauvres mais il n’avait manqué de rien. L’été il prenait le train pour deux mois dans le sud chez le tonton, le voisin qui avait une voiture (le seul dans le village) venait les chercher en gare de Bédarieux. Et depuis 35 ans qu’on passe à Bédarieux j’ai droit à l’imitation de la voix SNCF qui disait : « Bédarieux, Bédarieux, deux minutes d’arrêt buffet. Les voyageurs en direction de St Pons sont informés qu’un car les attend dans la cour de la gare. »
Sans le son, c’est moins drôle.

Enfin nous voilà plus tard en gare, toi sur le quai, moi dans le train. Tu me cherches des yeux dans le wagon. Je te fais des coucous mais tu ne me vois pas. Je suis là papa, regarde là…
Le train part, pas de croisement de regards.
Quand te reverrai je ?
Quand vous reverrai je ?
Et d’un coup j’ai peur.
Et si ..
Et si tu étais en danger ? et si tu le chopais un jour ce putain de virus ? tu le vaincrais hein ? Maman pareil, vous le dégagez ok ? Pas de politesse à lui ouvrir la maison, lui payer un café… non nada, tchao, tu te casses virus.
Voilà vous faites ça, comme ça on partira tous ensemble, tranquillement, dans longtemps.

Le soir enfin rentrée, au bout d’un moment je parle de cette peur à mon compagnon. Julien est plus sérieux que moi, il ne me dit jamais qu’on va s’envoler tous ensemble en montgolfière, et non… il n’entretient pas mes dénis façon Disney. Il a perdu son père lui, il y a plus de 10 ans. Il me dit tout simplement que c’est normal que je m’inquiète pour eux à mon âge, il me dit que j’aurais peur encore, il me répète que c’est normal et ça me rassure, évidemment.

Alors je ne sais pas si j’aurai un enfant avec qui parler précisément de notre arbre généalogique par contre je me rends compte depuis un moment que la transmission de la voix off SNCF, de vos valeurs, vos phrases et vos histoires est déjà bien en route.
Et si un jour dans des dizaines et des dizaines d’années, vous décidez de partir, alors moi aussi j’irai fleurir vos tombes, évidemment.

La sorcière bipolaire

Posted in Escritura / Ecriture on julio 25, 2020 by marie

Il était une fois

Dans un village fort lointain

Pas loin d’un mont alpin,

une forêt dans laquelle vivait Chloé.

 

Chloé était herboriste,

De mère en fille, depuis des générations,

Les plantes étaient sa passion !

 

Filtre pour être heureux

Tisane pour dormir

Potion pour ne plus être amoureux

Une douleur avec elle, n’avait jamais d’avenir.

 

Malheureusement dans sa forêt,
elle était bien seule

Sa famille n’était plus là

Et d’amour, on ne lui en connaissait pas.

 

A part avec les quelques acheteurs de ses décoctions,

Chloé vivait dans l’absence totale de conversations,
Car au village voisin, Chloé fascinait

et Chloé, inquiétait…

 

Le village s’appelait Burningdac

Il y faisait très froid

Et comme partout sur Terre en cette année 2177,

il n’y avait presque plus rien.

 

Le magma terrien se tarissait

Les ressources énergétiques cessaient d’exister

Bref… toute vie était en danger

Ce n’était plus qu’une question d’années.

 

La faune s’était lentement dépeuplée

La flore quant à elle, en petite quantité,
était rigoureusement préservée

par le savoir-faire de Chloé.

 

A Burningdac, depuis déjà quelques années

Presque plus d’enfants naissaient

et ceux de moins de 10 ans disparaissaient,

Chloé les avait déjà croisé,

car seule elle, savait accoucher,

alors quand un nouvel hiver approcha,

une vague de rumeurs déferla.

 

Les langues se délièrent,

A l’unisson des sons proclamèrent
Des mots comme diable et sorcière
et contre Chloé, remplis de haine, les villageois hurlèrent.

 

 

Pendant des mois Chloé cachée resta,

Jusqu’à ce jour fatidique où résonna un terrible fracas.

 

Le cœur de la terre s’était gelé
Et la surface du sol s’effondrait

Avec lui dans un vacarme
Il emporta presque toutes âmes.

 

Chloé, s’étant au sommet réfugiée,

Par miracle, très loin fut propulsée.

 

Sur une nouvelle planète

Chloé dut alors s’installer.

 

De son sac elle sortit des graines dument sélectionnées

et reconstruit en un rien de temps un écosystème parfait

 

Elle attendit la floraison des cerisiers

Pour mettre deux doigts dans son gosier,
Un liquide bleu pailleté jailli
Et dans une flaque brillante on vit
34 enfants  d’une dizaine d’année
Qui dans les champs verts partaient s’amuser.

 

Depuis, dans le village de Fluimont
On n’est pas avare de conservation !
Et même si les enfants ne s’en sont jamais soucié

Chloé avait sauvé l’humanité.

Fermez bien vos gueules !

Posted in Escritura / Ecriture on junio 15, 2020 by marie

Post-César, samedi 29 février 2020, 2h30.

Les médias parlent de corona dans l’Oise, il a fait un temps mitigé, journée de reprise au boulot mais je m’en fou, moi ce soir : j’ai César.

Oui, je m’en faisais une fête de cette cérémonie…C’est mon amie Bubu qui m’y avait initié : plateau-repas, pronostics, attente, suspense, accord, désaccord.
Cette année un très beau cru avec mon chouchou « Papicha », le bouleversant « J’ai perdu mon corps », le très beau film de Céline Sciamma « Portrait d’une jeune fille en feu », les films nécessaires comme « Les misérables », « Hors normes»… j’avais loupé « Roubaix, une lumière » et d’autres bien salués mais j’étais contente de retrouver « Parasite » et  « La cordillère des andes » à laquelle j’avais assisté à Cannes avec Patricio Guzman.

Ce soir c’était donc César !!
En simultanée sur whatsap avec des potes à Lyon, Paris, Bordeaux et dans le sud : c’était presque l’évènement de l’année. Florence Foresti s’en est très bien sortie dès le départ : elle a pris les problèmes à bras le corps, la polémique Polanski en frontal, dignement, et elle nous a fait rire.
Bien sûr il y a eu des loupés, des trucs longs, malaisants… mais il s’en ait dit des choses sur les injustices du cinéma et les injustices humaines.
La soirée était plutôt excitante après que mon chouchou ait eu le  césar du meilleur premier film et du meilleur espoir féminin j’étais plutôt rassurée, malgré l’absence de Adèle Haenel pour le césar de meilleure actrice je m’attendais encore à un final joyeux et puis là : moment tragique.
Violence du tournant des évènements, plus profond qu’une déception, un sentiment échec.

Alors je ne parle jamais de politique, mais en fait vu que je bosse dans un cinéma mono-écran, qui plus est, dans un quartier populaire pas loin d’un multiplex, dans une association avec une salle de concert de musiques actuelles et des actions transversales, au final je fais des choix politiques.
Il y a quelques mois, j’ai décidé de ne pas passer le dernier film de Polanski lorsque nous avons dû annuler la venue d’un groupe de rap sur demande d’un partenaire financier.
Je ne doutais pas des qualités du film, j’avais aimé « La vénus à la fourrure », « Tess » évidemment ; je ne doutais pas que Jean Dujardin y était très bien, le sujet important, mais je n’avais pas particulièrement envie de le voir et je ne l’ai toujours pas vu.
Avec la quantité de bons films qu’on loupe, qu’on ne peut même pas programmer pour faute de place, ce n’était pas ma priorité.
Est-ce que j’avais vraiment envie de le mettre en avant? Est-ce que c’était politiquement correct « d’accepter » la censure  d’un groupe de musique et de promouvoir l’œuvre de quelqu’un qui venait une nouvelle fois d’être accuser de viol dans ce climat #metoo ?

Non.

Je suis pour la liberté de création mais vraiment… face à une parole qui s’exprime enfin, face au courage de toutes ces femmes qui font face à ce qu’elles ont vécu et qui osent demander tout haut que ce système change, non, je n’avais pas envie de défendre même un très bon réalisateur. Des réalisateurs et des réalisatrices douées il y en a plein d’autres, il suffirait de s’y intéresser davantage.

J’étais par contre en colère qu’on s’en prenne aux salles qui décidaient de le programmer. J’avais fait ce choix mais je respectais totalement ceux qui l’avaient programmé.
Je trouvais dommage que la colère s’acharne sur le maillon final à savoir les salles et le spectateur…
Comme si c’était nous qui allons avoir le réel pouvoir d’empêcher ce type de faire des films !!

Je ne suis pas étonnée ou surprise que des connards fassent du cinéma, toute forme d’art a son lot de violeurs, de tueurs, pédophiles, beaucoup sont morts et on ne le sera jamais, beaucoup seront épargnés, mais malheureusement c’est représentatif de notre  société c’est tout. Les déviants, les malades, les mauvais existent dans tous groupes sociaux, professionnels, générationnels… alors pourquoi les artistes seraient épargnés ?
Doit-on voir leur œuvre ? doit-on les « admettre » ? « L’homme… l’artiste »…
Et puis si on considère les méchants/ les gentils, où se trouve le curseur ? Dans les mains de la justice ? Mais est-ce qu’on croit encore à la justice ? Est-ce qu’une peine égale un pardon ?
Dans le cinéma, il semblerait qu’il y ait des codes : il y a des méchants vraiment méchants et des moins méchants, ça, ça passe, ça non… Woody Allen ça passe, Polanski non.

Donc Polanski pas le bienvenu aux César.
Plongée dans cette confusion qui règne et qui divise sur le acceptable ou pas, je n’étais pas vraiment choquée de sa nomination. Il a son fan club, son aura, son harem d’intellectuels.
Mais je dois vivre dans un monde rempli de bisounours parce que par contre je ne m’attendais pas à ce que Polanski gagne un des meilleurs césars de la cérémonie. Je n’étais pas prête à ça. C’était trop gros, trop lourd, pour que ce soit possible.

La meilleure réalisation ? Le saint Graal !! Visiblement le film doit être si bon que deux césars ne suffisaient pas et que même d’autres césars sur la technique, les acteurs, le montage n’auraient pas suffi, le meilleur c’était lui un point c’est tout !

Naïvement, j’imaginais que l’Académie aurait saisi tout ce qui se jouait derrière la symbolique de Adèle Haenel versus R.Polanski.

Ni Céline, ni Adèle n’ont eu la possibilité de monter sur scène alors que le film méritait plus de reconnaissance.
Avaient ils peur qu’elles ouvrent trop leur gueule peut-être?
Surement.

Mais de là à  « sacrer le diable »  quand même !!
Etait-ce vraiment nécessaire de lancer de telles hostilités ? c’est de la provoc’ ou quoi ?

Car après tout, ce qu’il représentait ce soir c’était aussi le non jugement de toutes ces agressions. La personne non punie de ces crimes. Il n’était plus uniquement réalisateur, ce soir il était aussi une personne qui passait devant l’opinion publique.
Mauvais timing pour Roman tant pis pour lui, mais franchement s’il y avait une prise de position pacifiste et égalitaire à prendre par les institutions qui font ce Cinéma c’était bien ce soir !

Mais qui dirige notre Cinéma ? Que ce soientt des hommes ou des femmes derrière ces enveloppes, n’ont-ils pas entendu la rage des femmes ? la volonté d’un changement ?

NON.
Ils continuent de se servir de nous : la femme (merci Florence) amuse bien la galerie pendant 3 heures, mais le message final va être rapide :

Meilleure réalisation : Polanski,
des gens quittent la scène, le son de la salle est coupé,
Florence Foresti ne réapparaitra pas.

Personne sur scène.

Il faut enchaîner Sandrine …vas y…

Meilleur film : « Les misérables ».

Et bien que j’étais contente pour ce film, en direct de Paris mon amie Faustine me faisait remarquer « il n’y a que des hommes sur scène ».
Et là je regardai mon mur où était projeté en grand plus d’une dizaine d’hommes sur scène.
Ils étaient là après ce moment terrible où je pense que de nombreuses femmes ont ressenties comme moi un profond sentiment de défaite.

D’un seul coup, une tristesse profonde m’envahit comme si le Cinéma m’avait trahi. Tout ce qu’il avait réussi à me faire croire, à me faire vivre, s’effondrait là en quelques images. Il n’était plus magique, il était comme tout le reste, décevant.
Alors je ne veux pas croire que le Cinéma soit masculin, je ne veux pas entrer en guerre contre l’homme. Je ne veux pas voir que ce monde est pourri.
Je veux juste que le Cinéma me mette encore un peu de paillettes et m’offre un happy end à cette cérémonie, que les femmes talentueuses soient récompensées et qu’elles disent ce qu’elles ont à dire haut et fort.
Mais ce soir le Cinéma qui me faisait vibrer disparut, englouti sous le poids d’une seule image symbolique : une scène rempli d’hommes, sans femme à laquelle on semblait répondre après 3h20 d’hypocrisie « s’il te plaît, ferme ta gueule ».

 

 

Un strip-tease pour ses 30 ans

Posted in Escritura / Ecriture on noviembre 29, 2019 by marie

Paris, un jeudi d’octobre, temps mitigé.

 

J’ai pris un jour de congés pour retrouver Tiphaine à la capitale, au programme : un déjeuner pour ses 30 ans suivi d’une expo.

Tiphaine est une fille joyeuse, un peu «tout feu tout flamme» comme ça vue de loin, avec sa veste en fausse fourrure tigresse. Fêtarde et cinéphile, elle est dotée d’un grand cœur, dans lequel elle met tous ses amis. Suite à deux ans de marathons ciné, bouffes et sessions thé improvisées, je crois que j’y ai ma place aussi.

Quand tu as rencard avec elle, tu sais qu’il y a des chances que rien ne se déroule comme prévu. D’où le besoin de ne jamais trop planifier. Pour moi, la Bree Van de Kamp de l’organisation c’est un challenge mais que voulez-vous ? Elle fait traîner sa vingtaine et l’énergie vitale qui va avec…je ne peux que la suivre, c’est ma petite cure de jouvence.

 

Nous nous sommes donc joyeusement retrouvées dans un bar miteux face à la gare du Nord. Nous avons trinqué un peu trop tôt puis nous nous sommes dirigé vers Le bouillon, brasserie du côté de Pigalle. Après une bonne assiette de tartiflette bien arrosée, nous avons digéré tranquillement en se baladant dans le quartier. Notre estomac étant trop rempli pour monter au Sacré Cœur, nous avons opté pour la carte «instructive» d’un sex-shop.

Rapidement l’envie de faire l’expo Bacon a laissé place à l’envie d’une «première fois», une fois à ne pas oublier. Étant au cœur même du quartier «sexe», voir un «strip-tease» de pro pourrait être une option.

Face à une porte un peu secrète, «Soso» la rabatteuse, nous a repéré.  Après quelques blablas de touristes débutantes : « non il n’existait pas de strip-clubs avec des danseurs hommes, oui il y aurait de la danse » ; elle nous vendit une entrée pour 20 euros par personne «mais attendez les filles ça inclut la boisson».
Parfait ! Un whisky coca à 15h c’est tout ce dont nous avions besoin !

Nous entrâmes et très vite la magie de l’inconnu retomba.

Derrière ces portes mystérieuses ne se cachait pas le club «in» avec des superbes lumières, du velours partout, des beaux coussins, du glamour et de la séduction non non non… Bien au contraire ! En gros c’était une pièce à peine plus grande que mon salon avec une pauvre barre au milieu, 4 coins canapés dans les angles, une espèce de salle privée à gauche et surtout un lieu vide et sans ambiance. La décoration venait de chez Gifi, odeur de renfermé, 4 nanas au total : une serveuse au bar à l’entrée, une danseuse, une autre qui dort à côté des toilettes, et Soso qui reste dehors.

Nous nous sommes donc assises toutes peunotes se demandant où étaient passés la luxure et le champagne ?

Pas de Joe Cocker pour nous ambiancer mais du Maître Gims à plein volume…nous étions vraiment très loin des films américains.

Mais Soso avait raison sur deux choses : un whisky-coca méga dilué fut servi et nous avons eu droit à 1 danse, mais une seule !

La Sharon Stone locale arriva direct à la barre, pareil le décalage «visuel» était de taille, pas vraiment canon, pas vraiment moche, elle fit sa petite danse de façon très mécanique. Pour résumer : vague d’un côté, vague de l’autre, shake shake du boumboum short, soutif dégrafé, vague vague, puis elle reprit son petit bout de tissu en disant «et voilà».
Durée : 4 minutes. Fin du spectacle.

Ah…C’était donc ça ??

La déception était réelle, de l’extérieur ou de l’intérieur, le sexe ne vendait vraiment, vraiment pas du rêve. La danseuse faisait son job, avec plus d’assurance que nous au moment de passer la porte, mais nous n’étions pas l’appât. C’était express et c’était le deal, elle n’allait pas non plus en faire des caisses et balancer du glamour pour deux provinciales un peu pompettes en recherche de nouveautés.

La cible de ce Crazy horse bon marché, ce n’était pas nous mais plutôt le monsieur qui entra au bout d’une vingtaine de minutes.

Commercial lyonnais en déplacement à la capitale, il se fit escorté directement dans la «salle privée». Comme la «porte» se résumait à un paravent en bambou, nous pûmes suivre dans les moindres détails toute la conversation. Oui il avait une carte bleue mais c’était celle du travail donc non il ne pouvait pas se payer une autre danse (même si sur le relevé bancaire apparaîtrait un faux nom d’enseigne), non il ne pouvait pas l’inviter à boire une bière à 25 euros, ni aller avec elle au distributeur retirer. Curieusement, il réussit à sortir sans claquer plusieurs centaines d’euros comme d’autres le mentionnaient dans les commentaires google que nous consultâmes après.

Nous sortîmes à notre tour, Soso était en train de se faire engueuler par la danseuse comme quoi elle laissait entrer des mecs fauchés.

Nous descendîmes de Pigalle, et autour d’un double café, flottant dans l’étrange sensation d’avoir vécu un épisode de Zone interdite, nous optâmes pour aller siester un peu.

Oublier l’instant puis se le remémorer à jamais, «un strip-tease pour ses 30 ans», pas sur M6 mais dans la vraie vie, c’est une première fois.